Je ne suis pas revanchard de nature car j’ai trop de temps à consacrer à ce qui se va se passer plutôt qu’à se qui s’est passé. Pourtant, en faisant ce site pour la postérité, j’ai voulu ne me souvenir que de deux choses essentiellement. Le gars du Gard, on n’en parle plus, c’est une merde innommable et je suis prêt à réviser mon jugement s’il se manifeste. Il y a une autre merde que j’ai rencontrée et celle-là, j’ai bien fait attention de ne pas mettre les pieds dedans. Si vous êtes SEL ou LETS à fond la gomme, vous saisirez à 100% ce que je vais vous expliquer. Les autres, s’ils lisent ces lignes, ils diront : « Décidément, le fric, c’est de la pourriture ».

On y va ?

 

Pourriture

 

Dans le style cassage de moral, je n’aurais jamais imaginé scénario plus meurtrier destiné à détruire définitivement la bonne volonté d’un écrivain démarrant dans l’auto-édition. A côté de ce que je vais vous raconter, le refus cassant d’un éditeur à qui vous avez présenté votre livre ressemble à une douce musique céleste. Moi, j’ai vraiment rencontré la pourriture, celle dans laquelle on s’englue et qui fait de vous une chair et un esprit en décomposition pas même dignes de servir au cycle du carbone.

 

 

Fort heureusement, j’ai un don : je suis capable de présenter une situation pourrie avec humour et suis capable de faire rire. Même moi, je ris souvent en me relisant, c’est vous dire ! Je vais donc tâcher de vous faire marrer comme j’ai réussi à le faire dans « Le roman du SEL ». Je vais citer des noms cette fois-ci (pour le SEL, j’ai respecté l’anonymat). Si, grâce au miracle d’Internet, les personnes concernées s’offusquent et me traînent devant les tribunaux, je suis leur homme.

 

La Sorbonne donc, était la plus grande librairie de Nice en 1998 lorsque j’ai décidé d’y exposer mes livres. Ils m’ont bien accueilli et je les en remercie. Ils m’ont pris beaucoup de bouquins en dépôt-vente aux conditions commerciales habituelles, c’est-à-dire qu’ils vendaient mes livres, prenaient 30% au passage et me donnaient le reste. J’ai moi-même vendu mes propres livres dans leur librairie lors d’une séance de dédicaces.

Devant tant de bonne volonté de la part de ce libraire qui, visiblement croyait en moi et voulait me propulser vers les hautes sphères de la renommée, je n’ai pas présenté de facture immédiatement. Mon approche matérialiste aurait détruit le climat de félicité dans lequel je baignais. On ne parle pas d’argent dans le Temple de la Poésie que représente la plus grande librairie de la ville bénie qui a vu naître vos premiers émois d’écrivain débutant. J’étais l’étoile naissante du firmament génératrice d’un monde nouveau et eux étaient des anges pour moi.

En août 1999, je reçois cette lettre :

 

 

Pas très lisible mais c’est toujours écrit en petit quand un document émane de l’administration judiciaire, avez-vous remarqué ? C’est un mandataire judiciaire qui m’envoie cette lettre. Il m’informe que mes anges ont déposé le bilan, que leur société ne s’appelle plus La Sorbonne mais Damarix (avec Obélix comme désignation, c’était du pareil au même pour moi) et que, si je ne réclame pas mes sous avant deux mois avec preuves à l’appui, je n’ai plus qu’à aller siffler devant les pâquerettes par un beau matin de printemps en espérant qu’elles veuillent bien s’ouvrir. (Pour les pâquerettes, je crois que cela n’a pas été mentionné mais cela n’enlève rien à la sensation que j’ai ressentie.)

Bien ! Après tout, des dépôts de bilan, il y en a tous les jours. Pas de quoi en attraper une apoplexie. Ce qui est frustrant, c’est de constater que je vivais dans un climat de confiance avec mon libraire et que celui-ci en a profité pou me faire un enfant dans le dos. Il ne m’aurait donné qu’une partie de ce qui m’était dû depuis longtemps, j’aurais apprécié sa franchise. Tant pis !

Je collecte donc toutes les pièces justificatives et les remets consciencieusement à Monsieur le représentant des créanciers. Je n’ai même pas eu le droit de récupérer mes livres invendus à la librairie  puisque tout a été saisi. Ils m’ont donc pris mes livres, les ont vendus, ont empoché l’argent et ont conservé les autres livres…, pour les lire je suppose. J’essaie de me consoler, ne riez pas de moi !

Et j’attends que la justice de mon pays veuille bien me restituer une partie de ce qui m’a été volé. Parallèlement, l’envie me prend de régler mes comptes avec un autre libraire qui n’aura pas laissé dans mon cœur le souvenir d’un ange, celui-là non plus. Puisque ma principale arme est l’écriture, utilisons-la ! Je pourrai me consoler plus tard en me disant que, dans le royaume des faibles, je n’aurai pas été complètement démuni. Voici le jet de venin que je lui balance pour me défouler :

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François  RATAJ                 Nice, le 3 septembre 1999

58 Corniche fleurie

Le Mirandole D

06200 Nice

Tél : 04 93 18 06 04

 

A l’attention de M. Jean-Jacques AUGIER

Librairie Masséna

55 rue Gioffredo, 06000 Nice

 

Objet : Aide apportée par les libraires aux écrivains débutants de la région.

 

            Monsieur Le Directeur,

 

            Je sais que vous avez voulu faire de votre librairie un temple de la Culture Française n’accueillant qu’une clientèle distinguée savamment triée sur le volet. Vous avez bien voulu aider le pauvre petit écrivain auto-édité que je suis en acceptant en dépôt-vente l’un de mes ouvrages. Vous en avez vendu 4 sur 5 ce qui représente l’excellent score commercial de 80% que beaucoup de vos confrères ne sont pas parvenus à réaliser.

            Je vous prie de bien vouloir excuser mon impudence pour avoir osé vous réclamer l’argent qui m’était dû c’est-à-dire 228,00F en tout et pour tout. Je suis désolé de ne pas rechercher la gloire pour unique motivation et si je possédais un peu plus de noblesse de comportement, j’aurais dû comprendre que votre établissement m’offrait l’extraordinaire chance de passer à la postérité et d’être immortel parmi les élus de l’intelligentsia qui constituent vraisemblablement votre prestigieux entourage.

            Dans la vie, d’une façon générale, je m’efforce de conserver en permanence une attitude respectueuse car, lorsqu’on fait partie de Monde des Lettres, il ne peut en être autrement. Imaginez un instant que je ne sois qu’un manant illettré, ma présentation orale serait la suivante :

 

            Comme un vulgaire charretier, tu as marchandé un 40% de remise que je t’ai accordé, vieux pingre. Je t’ai laissé 4 mois pour vendre mes bouquins à tes clients snobinards. Au lieu de me payer tout de suite, tu m’as demandé d’établir une facture en promettant qu’elle serait réglée immédiatement. Comme tu semblais avoir les cuisses propres, je me suis dit que je ne tremperai pas dans la merde avec toi et je t’ai fait confiance.

            J’ai eu tort.

            J’ai attendu encore 3 mois avant de te relancer. Il ne m’est pas venu à l’idée un seul instant que tu pouvais avoir un comportement de bouseux. J’ai réclamé à 4 reprises gentiment et à chaque fois tu as prétexté que ta comptabilité aurait dû…, que ce n’est pas ta faute…, que l’éclipse solaire du 11 août 1999 est en cause et que, etc, etc.

            Quand j’ai débarqué le 5 août dans ta boutique de mariole avec l’air de tout vouloir casser, tu as pris peur. J’ai reçu ton chèque le lendemain sans un seul petit mot d’excuse. C’était pourtant facile, grigou de mes fesses, d’écrire un p’tit queq’chose comme celui que je te fais en ce moment.

            Tu as mis donc 9 mois, espèce de fumier, pour me régler mes 228 balles. C’est le temps qu’il faut pour fabriquer un fils de pute comme celui que tu sembles être.

            Croyez bien cher Monsieur AUGIER qu’il me serait incapable de vous exprimer de vive voix de tels propos licencieux. Comme vous et moi sommes épris de culture littéraire, j’ai simplement voulu concevoir un minuscule monologue à ranger sous la rubrique « Science fiction ». Heureusement que je n’ai pas dit tout cela et heureusement que je sais moins bien parler qu’écrire.

            J’ai voulu simplement manifester ma surprise car tous vos collègues libraires de la région ont tous, sans exception, fait preuve d’un minimum de courtoisie à mon égard. La réussite en écriture reste très aléatoire et les coups de pouce sont toujours très appréciés par les auteurs qui cherchent à se lancer. Inversement, comme nous sommes des gens très sensibles, la plus petite des contrariétés nous casse le moral. Facile à comprendre.

 

            La France a toujours représenté dans le monde entier le berceau des érudits et amoureux des livres. Vous aussi, devez être un grand amoureux… de votre commerce avant tout.

            Votre dévoué serviteur que vous n’aurez plus jamais à votre service.

François RATAJ

 

Copie adressée aux librairies suivantes et que je remercie par la même occasion pour m’avoir aidé :

La Sorbonne à Nice ; La Sorbonne à Antibes ; Jean Jaurès à Nice ; Panorama du livre à Saint Laurent-du Var ; St Antoine à Nice ; Hypermarché Leclerc à St Isidore ; La Découverte à St Laurent ; L’étoile de mer à Cagnes ; N7 Presse à Cagnes ; Presse République à Nice ; Librairie Universelle à Cagnes ; Librairie des écoles à Vence ; Charlemagne à Grasse ; Le Campus à Nice ; Araucaria Presse à Nice ; Librairie Ligurienne à Vence ; Quartier Latin à Monaco ; Escapade à Antibes.

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Ah !, ça fait du bien… Tout cela ne rapporte pas un sou mais ça soulage. A chacun son médicament.

 

Plusieurs mois après, comme mon représentant des créanciers n’a toujours pas répondu, je le relance. En utilisant ma plume comme Zorro l’aurait fait avec son épée, cela va de soi.

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François  RATAJ                      Nice, le 3 février 2000

58 Corniche fleurie

Le Mirandole D

06200 Nice

Tél : 04 93 18 06 04

 

M. Georges André Pellier

3, rue de Massingy

06046 Nice

 

Objet : Damarix (RJ du 6/5/99). Réf : MG//4504

 

Complainte de l’écrivain dépouillé

 

Dis donc, toi, le Georges, tu me les donnes mes sous ?

            OUIN ! OUIN ! J’VEUX MES SOUS !

 

            Au nom de tous les écrivains, de tous les traîne-savates, de tous les artistes, de tous ceux qui espèrent un jour vivre de gloire et d’honorabilité :

 

            OUIN ! OUIN ! J’VEUX MES SOUS !

 

            Au début, je ne m’occupais pas de l’argent, j’voulais simplement que les livres que j’écrivais soient lus. Voilà des mois et des mois que je me contente de deux mille francs par mois de RMI, alors tu parles si le fric je m’en contrefoutais.

            Lorsque la plus grande librairie de la région - j’ai nommé « La Sorbonne » - a accepté de prendre mon premier ouvrage en dépôt-vente, j’étais aux anges. Ils en ont accepté un autre ensuite, et puis encore un autre. Trois livres différents : le succès à l’horizon, je le voyais, pas de doute là-dessus. Ils m’ont bien aidé dans ce sens. Ils m’ont organisé une journée de dédicaces ! J’étais aux nues, j’te dis ! Tu parles Charles… non, Georges.

Et vois-tu Georges, au nom de la sacro-sainte Culture, je ne leur ai pas demandé un seul centime au début. Eux s’investissaient au niveau commercial, moi, au niveau cérébral ; j’estimais qu’il devait y avoir compensation.

            Que j’étais couillon !

 

            OUIN ! OUIN ! J’VEUX MES SOUS !

 

            Ceux-là mêmes que j’ai dépensés chez l’imprimeur alors que je n’avais plus rien pour bouffer. Ceux-là que j’ai dépensés jusqu’au dernier au cours de tous mes déplacements dans les librairies. Je te fais cadeau, Georges, des milliers d’heures consacrées à me casser la tête à rédiger ces livres. Mes neurones ont encore des réserves ; par contre, mon compte en banque : non.

 

            OUIN ! OUIN ! J’VEUX MES SOUS !

 

Quand je pense que j’ai engueulé la Librairie Masséna parce qu’ils se sont fait tirer l’oreille pour me régler (voir document joint). Mais ils ont payé, eux ! La Sorbonne : que dalle !

            En une seule fois, La Sorbonne m’a piqué autant de fric que toutes les autres. La Sorbonne était donc réellement la plus grosse librairie du coin. Ça oui !

            Et comment je fais maintenant pour connaître la célébrité dans l’écriture ? Je ne peux m’alimenter que de rêves, tout de même ! Non seulement nous tirons le diable par la queue mais il faut en plus que nous nous fassions entuber par des plus gros qui nous volent le peu de pécule que nous possédons.

 

            OUIN ! OUIN ! J’VEUX MES SOUS !

 

            Quand je réclame au nouveau proprio de la librairie, il me renvoie chez toi. Quand je vais chez toi, les portes sont aussi bouclées que celles d’une prison. La prison… Là où on met tous les gens malhonnêtes… En ferais-tu partie, Georges ? Non, hein ? Rassure-moi.

 

            OUIN ! OUIN ! J’VEUX MES SOUS !

 

            Tu vois, Georges, si je n’étais pas sous le coup de la colère et si je n’avais pas cet immense sentiment d’injustice, je te parlerais comme ça, comme tous ceux qui s’abritent derrière le bouclier de la Loi parce que leur âme n’est pas assez grande pour établir la leur (de loi) ; je te parlerais comme ça :

            « Maître, (déférent, toujours déférent),

            L’explosion des techniques de la micro édition permet, de nos jours, à de nombreux auteurs auto édités, de tester leur plume. Dans ce parcours du combattant, les pièges sont nombreux et, bien malheureusement, l’argent arase les idéologies, quoiqu’on en dise.

            Aristote, Beaudelaire, Jean-Jacques Rousseau ou Victor Hugo n’auraient jamais survécu ou jamais existé face aux contraintes actuelles des règles économiques. Sans doute pourrez-vous contribuer, Mon Cher Maître, à favoriser l’apparition d’un Aristote, Beaudelaire, Jean-Jacques Rousseau ou Victor Hugo dans votre ville au cours de ce siècle ?

            D’avance, merci au nom de tous les auteurs auto édités. »

 

            Voilà ce que j’aurais dit, mais j’peux point.

 

            OUIN ! OUIN ! J’VEUX MES SOUS !

 

            Tout ce que je sais faire, c’est une bafouille qui me sort des viscères. Moi, c’est avec mes boyaux que j’écris. La Sorbonne, lui, c’est avec ses boyaux aussi qu’il a chié sur mes écrits.

 

            OUIN ! OUIN ! J’VEUX MES SOUS !

 

            Ma seule consolation sera de raconter tout cela à mes potes dans la revue à diffusion nationale où je suis chroniqueur (bénévole). Si j’ai un « nom » un jour, j’en rirai. Aujourd’hui, je chiale.

 

            OUIN ! OUIN ! J’VEUX MES SOUS !

 

François RATAJ

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Je ne me ferai pas que des amis, mais j’en veux pour mon argent. Avec le SEL, j’ai appris ce qu’est la vraie pauvreté : celle de l’âme. Je ne veux pas être un vrai pauvre.

Je reçois ce courrier d’un administrateur judiciaire (un autre encore) en mai 2000 :

 

 

Je l’appelle, histoire de vérifier que je suis bien en contact avec des gens qui ont tout leur esprit mais qui ne cherchent pas à en faire (de l’esprit). Le plus sérieusement du monde, le gars m’explique que je suis obligé de :

- premièrement : justifier mes ventes entre le 6 mai 99 et le 3 septembre 99 car celles-là, sont soumises à l’article 40.

- deuxièmement : si mes ventes sont antérieures au 6 mai 99, elle sont soumises à l’article 50. Ce sera le représentant des créanciers qui traitera l’affaire « mais avec des complications » me précise l’Ignoble.

Bête et discipliné, je lui envoie la bafouille suivante :

 

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Veuillez prendre connaissance de l’état ci-joint.

Sur le bordereau de dépôt rédigé par La Sorbonne le 10/04/99, vous pourrez constater que des ventes ont été réalisées pour 225,00 F de CA, soit une facturation de 2245 x 0,7 = 157,50 que j’aurais pu faire figurer. Pour la période du 6/5/99 au 3/9/99, la probabilité pour que le montant restant (soit 1533 – 157,50 = 1375,50F) soit concerné est de l’ordre de 80%. Par conséquent, il serait normal de considérer que je puisse bénéficier du privilège de règlement instauré par la disposition de l’article 40 pour un montant de 1375,50 x 0,80 = 1100,40F exactement.

Lorsque j’écris mes livres, je m’efforce d’être moins confus mais en l’occurrence, vous comprendrez parfaitement que ces pirouettes comptables ne nous en laissent pas le choix.

Il est évident que, si vous me fournissez les journaux d’achats, je pourrai vous affirmer avec une probabilité de 100% que la somme x m’est due dans le cadre de l’application de l’article 40, étant donné que chaque livre comporte un ISBN et que le libraire en lit le code à barres.

Merci de donner suite.

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A cela, s’ajoutait un tas pièces comptables bourrées de chiffres et d’explications pointilleuses. Comment ne pas s’imaginer qu’il n’y ait pas de dépressifs sur Terre, après un exercice pareil ? Je suis fou de continuer ce jeu mais j’ai mis le doigt dedans, tant pis pour moi. C’est un reste de bon sens qui me pousse à continuer…, et la recherche sans doute d’une bonne partie de rigolade sadique.

L'administrateur m'a répondu en juillet 2000 en précisant qu'il adresse immédiatement les pièces à l'expert-comptable chargé d'établir le relevé des factures "Article 40".

En fait les péripéties du SEL, ne sont rien à côté de ce scénario. J’aurais pu intituler mon histoire : « Le roman des SOUS ». Entre « Le roman des SOUS » et « Le roman du SEL », lequel serait le plus rigolo ?

 

Je n’ai pas fini mais marquons une pause quand même. Vous n’avez pas mal à la tête ?

Que ceux qui souhaitent connaître la suite de « Le roman des SOUS » qui vient de naître, me suivent :

 

Pour les autres, retour d’urgence pour soigner le mal de tête :