Nice, le 19 février 2003

 

 Toujours dans le cadre de présentation de mon APB (anti press-book), je vais vous raconter par exemple les nouvelles d’aujourd’hui. C’est marrant de tenir ainsi un journal pendant quelques jours. Avec ce court échantillonnage, vous pourrez mieux vous rendre compte du fait que j’aurais pu écrire un livre supplémentaire après la sortie de « Le roman du SEL ». Je vous l’avais déjà expliqué, vous vous en souvenez ? Tout cela me fera également des souvenirs pour agrémenter ma vieillesse et j’espère que cela m’aidera par exemple à ne pas être client chez Monsieur Alzheimer. A chacun ses méthodes thérapeutiques.

Aujourd’hui, je viens de recevoir un mail dans lequel ma correspondante m’explique pourquoi elle n’a pas envie d’acheter mon livre « Le roman du SEL ».

Quand je pense que j’ai fait des études commerciales supérieures, je suis rouge de honte ! Non seulement je n’arrive plus à vendre aujourd'hui mais j’arrive à provoquer la réaction inverse. Le client potentiel me court après pour me dire : « Non, non, non ! Tu n’arriveras pas à me fourguer ta camelote ! »

Tout de même…, je me demande si, dans le domaine commercial, la situation la plus affligeante ne serait pas de ne pas provoquer de réaction du tout. Avec moi au moins, le client pas encore client réagit. Rien de plus décourageant pour un fournisseur que de s’apercevoir que ses produits n’attirent pas l’attention du tout.

Bon !, revenons à ce mail de ma correspondante. Il n’a rien d’ordurier celui-ci et est au contraire, très bien rédigé. Je tiens à le présenter malgré tout car il correspond pour moi à de la contre-publicité et c’est bien ce que j’ai voulu regrouper dans mon APB. Tout ce qui joue en défaveur de mon livre, je le montre ! Je vous l’ai déjà dit : jamais vous ne trouverez un écrivain aussi franc du collier.

Voici le texte en question :

 

Bonjour,

J'ai lu les extraits disponibles de votre livre et j'ai été déçue : d'un côté, les considérations théoriques semblent très positives (mais il y a peu d'extraits) et de l'autre, le vécu semble un cauchemar ! Est-ce une volonté de décourager les gens tentés par les SEL ? J'avoue que je ne m'y retrouve pas et que ces remarques négatives ne m'incitent pas non plus à acheter le livre pour, peut-être, trouver des choses intéressantes dans les chapitres théoriques.

J'espère que je me trompe et que les gens qui liront ce livre ne seront pas détournés des SEL car, si les SEL ne parviennent pas à supprimer les défauts des êtres humains, ils permettent aux êtres humains de trouver un contexte où ils peuvent être reconnus à leur juste valeur, hors des normes habituelles de l'économie, des normes, etc.

Je sais que les SEL ne résoudront pas tous les problèmes sociaux, loin de là ; d'ailleurs, est-ce leur rôle ? Mais ils recréent une autre dynamique et permettent à des gens « différents », qui souhaitent vivre autrement, de mettre un peu en pratique leurs convictions. Ils sont assurément une source de lien social comme toutes les associations, mais mélangeant des gens très variés qui ne se seraient pas rencontrés autrement parce qu'ils ne se connaissaient pas de points communs.

Muriel

 

Réponse de ma part :

 

Bonjour Muriel,

Votre présentation des SEL est très juste. Ce ne sont pas des associations classiques où des gens d'un même niveau social se retrouvent. Cette variété dans les profils des participants est très bénéfique pour chacun.

Je recommencerai le SEL, mais « autrement ».

Quels que soient les modes d'organisations sociales, je pense que l'essentiel dans la vie est de privilégier l'humour. Mon livre le fait. Si les extraits présentés sur mon site vous dissuadent de l'acheter, j'ai raté mon coup et c'est tant pis pour moi. Je ne changerai rien pour autant. Je prendrai cela avec humour.

Amicalement.

François

 

 J’aurais pu lui expliquer qu’il y avait à côté des choses négatives, des choses positives (voir chapitre « Ce dont je me souviendrai » page 434).

J’aurais pu lui demander si elle avait lu le commentaire en anglais de John Turmel mais ne l’ai pas fait.

J’aurais pu lui dire que je suis parfaitement d’accord avec elle lorsqu’elle m’écrit que « si les SEL ne parviennent pas à supprimer les défauts des êtres humains, ils permettent aux êtres humains de trouver un contexte où ils peuvent être reconnus à leur juste valeur, hors des normes habituelles de l'économie, des normes, etc. » puisque moi aussi, je l’ai écrit.

J’aurais pu lui remplacer son « etc. » par bien d’autres valeurs encore.

J’aurais pu lui rappeler que mon livre fait 460 pages et que je n’allais quand même pas tout mettre sur internet.

J’aurais pu lui dire que mon livre est à lire au deuxième niveau et non pas au premier niveau mais que, de toute façon, cela dépend du niveau de l'esprit du lecteur.

J’aurais pu lui dire qu’il y a dans ma bible des tas d’envolées lyriques vantant le mérite du SEL comme celles qu’elle m’a placées.

J’aurais pu lui dire que tous les bouquins que j’ai pu lire sur le SEL sont bourrés de préceptes, qu’ils sont ennuyeux au possible et que je ne voulais pas que le mien ressemble à cela.

J’aurais pu lui dire que j’ai beaucoup réfléchi avant d’insérer l’humour dans mes textes et que cet humour est davantage de la dérision que de l’humour, que cette dérision est d’abord une moquerie dirigée contre moi, que si je continue ainsi une consultation de psychanalyste devient urgente pour moi, psychanalyste que je ne peux pas payer de toute façon, psychanalyste dont je ne voudrais pas même si j’avais du fric, et que…, et que…, et que…

Pourquoi diable ne l’ai-je pas fait ? Tout simplement parce que je n’ai pas envie de faire un tome 2 de « Le roman du SEL ». Je peux y passer ma vie si je veux. Et je gagne ma vie comment moi ? Avec des grains de SEL ?

Je me demande si je veux vraiment gagner de l’argent en fin de compte. Je n’ai jamais eu autant de mépris pour le fric qu’en ce moment. Quelque chose s’est brisé dans ma belle logique de mathématicien organisé. A moins qu’une autre logique plus bénéfique soit apparue ? Je n’en sais fichtre rien. Tout ce que je sais, c’est qu’au lieu de « récupérer » la gentille Muriel, je n’ai fait que l’éloigner davantage. Logique tout cela François, hum ?

Tu sais Muriel, j’aurais pu te dire une dernière chose que je me dis souvent : avant, quand je gagnais de l’argent, je n’en avais jamais assez ; maintenant que je n’en gagne plus, j’en ai toujours.

(Bon Dieu ! Des phrases comme celles-là ont valeur de parabole ! Même Toi – sauf le respect que je Te dois, Mon Dieu – Tu n’en as pas trouvé d’aussi belles !) Des déclamations aussi sentencieuses méritent de figurer pour la postérité en lettres dorées clignotantes sur fond rose et le tout mis en valeur par un beau cadre doré également. Je veux m’en souvenir pour plus tard, quand je serai vieux et que je rirai de mes facéties de jeune con. Voyons ce que cela donne :

 

 

Pas mal, en effet.

Vois-tu Muriel, ce matin, lorsque je t’ai répondu avec autant de détachement et que tu as compris que je me foutais complètement des tirades sur le SEL, du fric et du bien-être de l’humanité déboussolée, c’est parce que je venais de recevoir un autre message. La mort d’un chow-chow et le chagrin d’une jeune fille de 18 ans ont pris plus d’importance à mes yeux. Voici le contenu du mail :

 

Bonjour, moi c'est Laura

J'ai 18 ans et aujourd'hui j'ai dû euthanasier ma chienne chow-chow Ira de 9 ans car elle était atteinte d'une tumeur. Par la même occasion, je viens de découvrir votre site sur Po-Paï le chow-chow. Ces histoires similaires à celles que j'ai vécues avec Ira m’ont réconfortée. Je vous félicite donc pour le travail remarquable que vous avez effectué et j'aimerais beaucoup prendre contact pour me procurer vos livres.

Amicalement.

Laura

 

 Elle veut parler de mon site : http://chez.popai.free.fr

Va voir Muriel, tu verras comme c’est mignon. Si tu recherches vraiment l’amour de ton prochain, tu verras que toi et moi sommes peut-être en phase.

Je vais envoyer tout de suite le tome 1 de « Notre chow-chow n’est pas un chien » à Laura.

Gratuitement, bien sûr.

Non, décidément, je ne serai jamais riche…