Si j’avais à raconter tout ce qui s’est passé autour de
l’écriture de « Le roman du SEL », il me faudrait sans doute concevoir un livre
bien plus volumineux que « Le roman du SEL » lui-même. Il y a eu des vilenies et
des jolies choses que je n’ai jamais évoquées dans mon livre. Comme les deux se
sont équilibrées, je me suis dit « ex æquo » et la vie continue. Puisque j’ai
décidé de consacrer un site à ce « livre culte » qu’est « Le roman du SEL », il
me revient à l’esprit des tas de souvenirs. Je vous les livre spontanément
puisque je n’ai pas de secrets pour vous.
« Le roman du SEL » s’est d’abord appelé « Sucrons-nous grâce au
SEL ». C’était une simple plaquette de 60 pages destinée aux adhérents de
l’association. Qu’est-ce qu’elle a provoqué comme remous ! J’avais écrit cette
plaquette comme l’aurait fait un législateur qui souhaite fixer un code respecté
par tout le monde. J’ai rencontré l’hostilité. L’hostilité parce que, dans
toutes les organisations sociales, ceux qui sont d’accord, ne s’expriment
jamais. Ils sont heureux de vivre, un point c’est tout. Si vous leur montrez
comment faire, vous ne les épaterez pas. Par contre, ceux qui sont mal dans
leurs baskets, braillent.
Je les ai donc écouté brailler.
Je me suis dit : « J’ai envie de brailler aussi ».
J’ai donc écrit « Le roman du SEL ».
Ceux qui braillaient se sont tus ! J’ai fait la connaissance
d’autres brailleurs. Beaucoup m’ont exprimé leur haine par téléphone. Je n’ai
pas de traces à fournir de leurs états d’âmes belliqueux. D’autres m’ont écrit.
Ceux-là, ce sont les courageux car, pour écrire, il faut réunir beaucoup de
qualités et j’en sais quelque chose.
Il y a des écrits qui m’ont fait mal, très mal… Comme je suis un
costaud et que je suis le Bayard de l’Ecriture, je m’en suis vite remis.
Aujourd’hui, plusieurs années après, je n’ai en mémoire que deux courriers qui
m’ont vraiment fait saigner le cœur.
Toi, qui m’as envoyé une lettre anonyme, tu m’as vraiment fait
mal. Tu as réussi ton coup. Je ne pensais pas que la bêtise pouvait atteindre ce
stade. Tu as lu mon livre (je t’en remercie) et tu as porté un jugement. J’en ai
tenu compte puisque j’en parle encore aujourd’hui.
Lorsque j’ai vu ta lettre bariolée de feutre rouge sur
l’enveloppe, je n’aurais jamais dû l’ouvrir. Elle sentait mauvais mais comme
j’étais à l’époque un homme curieux de tout, je l’ai ouverte.
J’ai été sidéré de constater que l’on pouvait s’exprimer aussi
mal en langue française ! J’aurais pu être, par voie de conséquence, flatté de
m’exprimer aussi bien en langue française mais ce n’est pas le premier sentiment
qui est venu se loger dans mon cœur.
A l’instant, j’ai recherché ta lettre – toi, l’anonyme – mais je
ne l’ai plus trouvée. Je l’ai sans doute mise là où sa place devait être : aux
ordures. Je le regrette en ce moment car j’aurais pu amuser des tas
d’internautes en leur montrant ton torchon. Je ne savais pas que mon livre « Le
roman du SEL » allait avoir autant d’impact.
Tout ce que j’ai gardé, c’est la réponse que je t’ai faite. Je ne
pouvais te répondre directement, puisque tu n’as pas eu la délicatesse de me
laisser ton adresse. J’ai donc envoyé plusieurs courriers dans ton secteur
géographique en espérant que tu serais ensemencé. « As-tu été ensemencé,
dis-moi ? »
Voici le courrier que j’ai envoyé et qui figure en bonne place dans
mon anti press-book :
___________________________________________
François RATAJ Nice, le 5 Mars 1999
58 Corniche
fleurie
Le Mirandole D
06200 Nice
Tél : 04 93 18 06
04
A l’attention de M. Sylvain MACE
SEL l’Arbre Cévenol , Reboul
30500 Courry
Copies adressées
à :
(voir
post-scriptum à la fin de cette lettre)
Objet :
Gribouillage anonyme au feutre rouge reçu le 2/3/99. Courrier oblitéré à Uzès
(Gard).
Gare au gars du Gard !
Monsieur,
Je vous remercie d’avoir bien voulu vous intéresser à
mon livre « Le roman du SEL » et de l’avoir acheté.
Cette prestigieuse transaction commerciale m’a permis
de recevoir un courrier
anonyme
(barbouillé au feutre rouge) de la part d’un Seliste que vous connaissez
indubitablement. A ce courageux qui agit en se cachant, je vous serai infiniment
reconnaissant de transmettre ce qui suit :
Que l’on soit d’accord ou pas d’accord sur un sujet,
les opinions exprimées doivent être faites avec fair-play et donc permettre de
connaître l’identité de l’auteur. Seuls les lâches s’expriment par courrier
anonyme. C’est le cas ici.
Par ailleurs, lorsqu’on s’intéresse au charabia de
votre minable, il me paraît très difficile de comprendre le sens profond du
message.
Je lis : « Le SEL n’est qu’une ½
monaie ». Je suppose tout d’abord qu’il
s’agit de « monnaie » avec deux « n » comme dans « conneries » et non pas un
seul « n » comme dans « âne ».
Continuons : « Il n’abolit pas l’exploitation de
l’homme par l’homme ». Donc le SEL est nocif ; c’est du moins ce que je
crois comprendre.
« Il liquide tous les acquis sociaux puisque les
charges sociales ne sont pas
comptabilisée. C’est d’extrême droite ».
Si je ferme les yeux sur cette nouvelle faute d’orthographe, je comprends ici
que SEL = Fascisme. Quant à la relation entre « acquis sociaux » et « charges
sociales », comprenne qui pourra.
« La convivialité n’est pas suffisante à liquider la
logique financiere
mondialisé ».
Heu !... Ben, ouais !... Ouais ! Si quelqu’un pouvait me traduire, je me
sentirais quand même mieux. Je n’ai jamais appris l’Hébreu et donc, je ne sais
pas. Par contre, ce que je sais c’est que « financière » a un accent grave et
« mondialisée » doit être au féminin.
Continuons à déchiffrer la prose de l’illettré :
« Le taux d’exploitation est en moyenne de 200F de l’heure (8000
milliard
divisé par 22 millions d’esclaves salarié
qui réalise 1800h/an) ». Notre
économiste averti passe donc du fascisme à l’esclavagisme. Je note au passage
que lui, commence vraisemblablement le pluriel à 8001 milliards. Pour les autres
fautes, j’abandonne : il y en a décidément trop.
Réfléchissons. Dans le même ordre d’esprit, il y a un
superbe ratio qui me vient en tête. Oserai-je ou n’oserai-je pas ?
J’ose.
P.I.B. 98 = 8000 milliards, exact.
En France, 22 millions d’esclaves peut-être mais
aussi des enfants, des personnes âgées et surtout 1 million de tire-au-flanc (en
abrégé TAF ou TAC car on les désigne aussi par tire-au-cul). Un TAF passe quatre
heures par jour à se mettre précisément les doigts au cul, à picoler du pastis
et à ergoter sur des sujets pseudo-intellectuels qu’il aurait dû apprendre
correctement en classe lorsqu’il était en âge d’apprendre mais qu’il n’a pas pu
faire, faute de véritable capacités intellectuelles.
Cet incapable a donc un nombre d’heures inemployées
par an de : 4 h x 20 j x 12 mois = 960 heures arrondies à 1000 heures.
Taux d’inexploitation :
8000 milliards / 1000 x 1 million = 8000 F / heure.
L’esclave doit donc travailler 40 fois plus que le
TAC pour équilibrer le budget de ce pays. Un bon coup de mitraillette dans les
TAF et TAC me paraîtrait souhaitable : TAC, TAC, TAC, TAC ! J’imagine qu’à
chaque fois que j’en abats un, j’affranchis 40 esclaves.
Il me fait délirer, cet abruti anonyme. Terminons
d’analyser sa paraphrase d’inculte : « Voila
pourquoi tu n’est qu’un marchand qui
transforme une tentative d’auto-organisation en Roman Imbécile ».
Rien compris ! D’abord, on fustige le SEL puis on me reprocherait de le
fustiger ? Mon livre, « Le roman du SEL », raconte les péripéties de la vie
d’une association SEL à Nice. Les problèmes de précarité et d’exclusion sociale
sont déjà suffisamment tristes pour ne pas traiter ces sujets comme un
pleurnichard. Voilà pourquoi l’humour est omniprésent dans cet ouvrage, ce qui
n’enlève strictement rien à la rigueur de l’analyse. Que ce livre suscite des
passions aurait tendance à me flatter mais pour que je puisse répliquer, j’aime
voir la gueule de mon interlocuteur et non réceptionner les inepties d’un
glorieux anonyme.
Il est bien évident que si l’on porte un jugement à
partir de ce torchon incohérent, les associations SEL ne seraient que ramassis
d’ignares, d’abrutis et de merdeux.
Il est bien évident aussi que ce pauvre cinglé mérite
que je le déculotte en public pour lui administrer la fessée qu’il mérite.
Il est bien évident, mon pauvre gars du Gard, que je
prends ma plus belle plume et compose ma plus belle prose pour te signifier
élégamment que je défèque sur ton sale museau et que je te pisse dans le trou
d’oreille.
François RATAJ
PS : Copies adressées aux SEL des Picholines, de Bessèges,
d’Anduze, de St Hyppolite du Fort, Fracassien, de St Jean du Gard, 30
l’Arbousier, Du Sel et des Nèfles, de l’Uzêge, d’Issirac
PJ : Copie du torchon de l’Enfoiré qui donne une très mauvaise
image du SEL.
Au dos : bon de commande pour obtenir « Le roman du SEL »
(pour ceux qui ne le connaissent pas encore).
___________________________________________
(fin de la lettre)
Il ne m’a jamais répondu ce triste sire. S’il se reconnaît en
lisant ces lignes, merci de me contacter. Avec les années, la souffrance
s’estompe…
S’il faut te rassurer, mon « Gars du Gard », je vais t’avouer que
dans mes souvenirs concernant « Le roman du SEL », il y aura une autre
expérience bien plus affligeante. Elle laisse des traces encore aujourd’hui
tandis que toi, mon gars du Gard, je t’ai oublié depuis belle lurette. Elle
laisse des traces comme dans le cœur d’une femme amoureuse car un écrivain homme
n’est jamais qu’une femme amoureuse qui fait l’effort de ne jamais oublier.
Sais-tu ce que c’est que l’Amour, toi, le gars du Gard ? Moi, je crois savoir.
Dans le SEL, j’ai rencontré des gens qui éprouvaient le besoin d’aimer. Ils
n’aimaient pas l’argent mais ils voulaient aimer « autre chose ». Pendant un
moment, j’ai fait partie de leur bande et je ne le regrette pas. J’éprouve de la
facilité pour écrire mais je n’ai jamais dit que j’éprouvais de la facilité pour
trouver l’Amour. Je ne suis qu’un simple spectateur. Observateur attentif, sans
plus.
En effet, il y a bien longtemps que je te pardonne tes inepties,
mon gars du Gard que je ne connaîtrai sans doute jamais. Il y a un truc qui me
fait marrer bien plus que ta lettre de plouc. Veux-tu que je te raconte ? Tu vas
te marrer, j’en suis sûr. Promets-moi, si tu ris, envoie-moi un mail - anonyme,
bien entendu –
Bon !, voilà cette autre histoire « négative » dirai-je,
concernant « Le roman du SEL ».
Quand j’ai commencé à vendre vaillamment mon livre sur le SEL, le
plus grande libraire de Nice – j’ai nommé La Sorbonne ! – m’a pris en
dépôt-vente des tas de bouquins. Ils m’ont organisé une journée dédicace comme
cela se fait avec les plus grands écrivains et…
Allez voir, cela mérite allègrement une page de site à elle toute
seule :
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