Entracte
Entre un « Le roman du SEL » et un « Le roman des SOUS », mon
cœur n’hésite pas une seconde : il se tourne vers « Le roman du SEL ». C’est
vrai que mon vécu au sein du SEL me donne aujourd’hui une certaine nostalgie.
J’aurais dû être moins revêche avec mes amis du SEL, moins exigeant, plus
tolérant. Disons que j’aurais dû faire preuve de plus d’abnégation encore.
Si j’ai parlé de cette histoire de dépôt de bilan de librairie,
c’est pour bien montrer la pourriture dans laquelle certains acceptent de
patauger et de faire patauger les autres pour préserver leur pauvre pognon. Il y
a de la malhonnêteté dans tout cela, c’est évident. Cette malhonnêteté n’est pas
toujours sanctionnée car les lois correspondantes n’existent pas. Il ne reste à l’homme que son
grand sens moral et son esprit de panache. Vu de cette façon, le SEL est bien
plus honnête que le système capitaliste.
Au-delà de l’histoire des sous, il y a surtout un préjudice moral
dans mon cas. Vois-tu, mon gars du Gard, ta lettre anonyme est un parfum de
violette à côté des correspondances adressées par le représentant des créanciers
de la librairie La Sorbonne. Si l’on avait voulu m’expliquer que mes bouquins
étaient de la merde, on ne s’y serait pas mieux pris. J’aurais été moins vexé si
j’avais vendu à La Sorbonne des cacahuètes ou du vin frelaté. Mais là, les
produits qui sont en cause sont mes livres, c’est-à-dire ma chair, mes pensées,
mes milliers d’heures d’application, tout l’amour et toute la passion que j’ai
pu leur consacrer. Je te disais bien mon gars du Gard, qu’il y avait plus bête
et plus méchant que toi. Eux agissent à visage découvert mais se protègent
derrière le Code du Commerce et des interprétations très personnelles qu’ils en
font.
Des histoires comme « Le roman des SOUS », il y en a des tas et
des tas, partout et à chaque instant. Quand on est victime d’une telle
situation, l’intelligence c’est de laisser tomber. L’intelligence, c’est de ne
pas taper du pied en réclamant bêtement son argent qui ne viendra jamais.
L’intelligence, c’est de prévoir que l’on va dépenser plus de temps et
d’irritation que ne vaut le maigre pécule que l’administration judiciaire
daignera vous accorder. L’intelligence c’est de se résigner en se sentant riche.
L’argent pourrit et voilà pourquoi il existera pendant longtemps
encore des associations SEL. Il y a sur Terre des gens qui méprisent l’argent et
ils ne sont pas moines ou vagabonds pour autant. Ces gens se regroupent en
associations SEL pour accorder davantage d’importance aux qualités de cœur et à
l’équité. Ils souhaitent vivre respectueusement et heureux sans considérer que
l’argent est leur maître. L’intention est très louable et c’est bien ce qui m’a
plu dans cette approche.
Je le répète, je n’aurais jamais dû être aussi sévère avec eux
dans « Le roman du SEL ». Me faudra-t-il donc vraiment écrire le livre « Le
roman des SOUS » pour faire amende honorable ?
François
Nice, le 5
février 2003
… et je mettrai cette gueule-là en première page de couverture :

C’est comme cela que je me les imagine dans leur bureau sordide
avec leur cœur de vautour. Quand ils dépensent leur argent minablement accaparé,
arrivent-ils à rencontrer la beauté au moins ?
Allez !, on ne va pas se quitter comme cela. Il faut que je trouve une petite
note de poésie pour remercier tous ceux qui m'ont accompagné jusqu'ici.
Contemplez donc ceci par exemple :

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